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Taleen El Gharib

La musique au milieu du chaos : Comment Ziad Rahbani a chroniqué la lutte et l’esprit d’une nation

Alors que l’histoire libanaise s’écrivait dans les rues, Ziad Rahbani composait sa bande sonore. Sa musique, un mélange de jazz, funk, disco, musique arabe classique et satire politique généreuse, a capturé l’humour, les luttes et l’âme de la vie libanaise.

Voici quelques-uns de ses morceaux les plus emblématiques et les histoires qui les accompagnent.

1. Abu Ali (1979)

Un chef-d’œuvre instrumental de 13 minutes qui mélange orchestration arabe et disco, composé et enregistré à Athènes. Il est largement considéré comme une œuvre pionnière du funk arabe et est devenu un favori culte des chercheurs de disques et des critiques musicaux.

Composé pendant la guerre civile libanaise, « Abu Ali » se distingue par son son d’évasion, ainsi que par l’audace pure d’apporter le disco au monde de la musique arabe en cette période tumultueuse.

2. Bala Wala Shi (1985)

Littéralement « Sans rien du tout », ce morceau fusionne des éléments de jazz, funk et boogie. C’est un excellent exemple de l’expérimentation de Rahbani et il a perduré comme l’une de ses œuvres emblématiques.

Sorti sur l’album « Houdou’ Nisbi » (« Calme Relatif »), il reflète l’humeur douce-amère du Liban pendant un cessez-le-feu fragile, offrant une perspective ironique et candide sur la vie dans l’incertitude.

3. Ya Zaman El Ta’efiyeh (1980)

Signifiant « Ère (ou Temps) du sectarisme », et présenté dans la bande-son de « Film Amriki Tawil » (« Un long film américain »), cette chanson utilise la satire pour critiquer les profondes divisions du Liban.

Interprétée par Joseph Sakr, elle reste l’un des commentaires les plus aigus de Rahbani sur les réalités durables et parfois absurdes de la politique sectaire au Liban.

4. Ana Mush Kafer (1985)

L’une des pistes les plus célébrées et controversées de Rahbani, souvent interprétée dans ses œuvres scéniques et rééditée en 2008.

La chanson aborde l’hypocrisie religieuse au Liban, exhortant les dirigeants à prêter attention au sort des pauvres, et pas seulement à leurs propres partisans. Les paroles sont devenues un slogan de défi laïque.

5. Rajaa Bi Izn Allah (1980)

Souvent cité comme une référence culturelle reflétant le désir de paix et de retour.

Cette chanson est enracinée dans le désespoir et l’espoir de l’ère de la guerre civile libanaise, agissant à la fois comme une lamentation et un hymne à la résilience. Imprégnée de sarcasme, comme la plupart de ses œuvres, elle est venue après une période de calme relatif, lorsque beaucoup pensaient que la guerre était peut-être derrière eux. Mais Ziad, toujours réaliste (et satiriste), a utilisé ce morceau pour suggérer le contraire : que la guerre n’était pas vraiment terminée, juste en pause.

6. Al Bosta (1979)

Présentée dans la comédie musicale emblématique « Bennesbeh Labokra Chou ? » (« Qu’en est-il de demain ? »), elle est devenue un hymne pour une génération.

Les paroles ludiques de la chanson sur les épreuves de la vie prennent un nouveau sens dans le contexte du Liban en guerre, où même monter dans un bus pouvait être rempli de périls et d’absurdité.

Autres pistes personnelles :

7. Sa’alouni al-Nas

Composé pour sa mère Fairuz.

Ziad a écrit cela alors que son père Assi était gravement malade. Les paroles reflètent la perte, le désir et le secret entourant la douleur familiale. C’est depuis devenu l’une des chansons les plus emblématiques de Fairuz.

8. Marba el Dalal et 9. Bisaraha

Morceaux personnels et introspectifs.

Les deux ont été écrites à propos de la relation très médiatisée et tumultueuse de Rahbani avec Dalal Karam, qui s’est terminée par un divorce. Ces chansons offrent un aperçu de la douleur personnelle et de la vulnérabilité derrière son personnage public sarcastique.

La musique de Rahbani est indissociable de l’histoire moderne du Liban. L’héritage de Rahbani va au-delà de la musique. Ses morceaux sont des pierres de touche de la mémoire culturelle, et les comprendre est essentiel pour comprendre le passé récent du Liban.

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